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Il Consiglio d'Europa sull'obbligo per gli stati di eseguire le sentenze della CEDU
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Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme
Résolution 1516 (2006)1
1. L’Assemblée parlementaire souligne que le respect de la Convention européenne des Droits de l'Homme (ci-après « la CEDH »), qui comprend la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour européenne des Droits de l'Homme (ci-après « la Cour ») et du caractère contraignant de ses arrêts, est la clé de voûte de l’ordre public européen lequel garantit la paix, la démocratie et la bonne gouvernance au sein de la Grande Europe. Il est donc essentiel que l’Assemblée s’intéresse de près aux différents aspects du système de la CEDH, et en particulier à la mise en œuvre effective des arrêts, dont dépend l’autorité de la Cour.
2. L’Assemblée note que l’exécution des arrêts de la Cour est un processus juridique et politique complexe dont le but est de remédier aux violations constatées et d’éviter que ne se produisent des violations nouvelles ou semblables. Cette exécution, sous la surveillance du Comité des Ministres, peut être facilitée par une étroite collaboration entre les institutions nationales et autres, y compris l’Assemblée et les parlements des États membres.
3. Bien que, en vertu de l’article 46 de la CEDH, ce soit le Comité des Ministres qui surveille l’exécution des arrêts, l’Assemblée contribue cependant de plus en plus à la mise en œuvre des décisions de la Cour. Depuis 2000, elle a adopté cinq rapports et résolutions et quatre recommandations spécialement consacrés à l’exécution des arrêts. De plus, elle a régulièrement soulevé des problèmes de mise en œuvre par d’autres moyens, notamment par le biais de questions parlementaires orales et écrites. Plusieurs cas complexes ont pu être réglés avec l’aide de l’Assemblée et des parlements nationaux et de leurs délégations à l’Assemblée.
4. Compte tenu de la décision prise lors du Sommet du Conseil de l'Europe de mai 2005, selon laquelle tous les États membres doivent exécuter plus rapidement et pleinement les arrêts de la Cour et compte tenu de la déclaration du 19 mai 2006 du Comité des Ministres qui indique que l’Assemblée parlementaire sera associée à la rédaction d’une recommandation sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour, l’Assemblée estime qu’il est de son devoir de s’investir davantage encore dans le règlement des principaux problèmes de non-exécution des arrêts de la Cour.
5. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l’Assemblée a maintenant adopté une approche plus proactive et donné la priorité à l’examen de problèmes structurels majeurs concernant des affaires dans lesquelles l’exécution de l’arrêt a pris un retard inacceptable, et ce, pour le moment, dans cinq États membres : l’Italie, la Fédération de Russie, la Turquie, l’Ukraine et le Royaume-Uni. Le rapporteur s’est donc rendu dans ces pays pour examiner avec les autorités nationales les raisons du non-respect des arrêts et souligner la nécessité urgente de trouver des solutions aux problèmes constatés. Une attention particulière a été accordée à l’amélioration des mécanismes internes permettant de favoriser la bonne mise en œuvre des décisions de la Cour.
6. Dans huit autres États membres, à savoir la Bulgarie, la France, l’Allemagne, la Grèce, la Lettonie, la Moldova, la Pologne et la Roumanie, les raisons du non-respect des arrêts et les moyens de régler les questions en suspens ont été examinés par le biais d’échanges de courrier avec leurs délégations nationales à l’Assemblée.
7. L’Assemblée salue le sérieux et la détermination avec lesquels la majorité des treize États membres concernés et leurs délégations parlementaires nationales collaborent avec la commission des questions juridiques et des droits de l'homme. Elle regrette cependant l’insuffisance de réponse de certaines délégations (France, Ukraine) aux demandes d’informations écrites.
8. Il y a notamment trois États membres qui méritent des éloges pour leurs tentatives visant à régler des problèmes de mise en œuvre spécifiques en améliorant les mécanismes internes :
8.1. l’Italie, qui, en adoptant la loi Azzolini en 2006, a créé le fondement juridique d’une procédure spéciale de supervision de l’exécution des arrêts par le gouvernement et le parlement ;
8.2. l’Ukraine, qui, en 2006, s’est dotée d’une loi prévoyant un mécanisme de coordination, placé sous la supervision de l’agent du gouvernement auprès de la Cour et destiné à garantir la bonne mise en œuvre des arrêts ;
8.3. le Royaume-Uni, qui a instauré en mars 2006 une nouvelle pratique de rapports périodiques sur l’exécution des arrêts de Strasbourg, présentés par la Commission mixte sur les droits de l'homme du Parlement britannique.
9. Concernant les problèmes de mise en œuvre précis qu’elle a soulevés, l’Assemblée salue en particulier les progrès décisifs réalisés dans les affaires suivantes :
9.1. Slivenko c. Lettonie, affaire dans laquelle les droits des requérantes à résider de manière permanente en Lettonie ont récemment été rétablis, conformément aux demandes du Comité des Ministres. La Lettonie a donc effacé les effets de l’expulsion des requérantes vers la Russie, mesure que la Cour avait jugée contraire à la CEDH ;
9.2. Broniowski c. Pologne, premier arrêt « pilote » de la Cour, à la suite duquel le Parlement polonais a adopté une nouvelle loi (en vigueur depuis le 7 octobre 2005), qui règle la question des demandes d’indemnisation relatives à des biens situés au-delà de la rivière Boug, conformément aux indications de la Cour et à une Résolution intérimaire du Comité des Ministres (ci-après « CM ») ;
9.3. Doğan c. Turquie, arrêt soulevant lui aussi un important problème structurel : à la suite de cet arrêt, la Turquie a adopté et mis en Å“uvre une nouvelle loi d’indemnisation qui constitue, pour toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays, un recours interne effectif leur permettant d’obtenir réparation pour la destruction de leurs biens (sans préjudice de leur droit au retour).
10. Parallèlement, l’Assemblée est vivement préoccupée par la persistance de déficiences structurelles majeures, qui causent de nombreux constats de violations répétitives de la CEDH et constituent une grave menace pour principe de la primauté du droit dans les pays concernés. Ces sujets de préoccupation sont les suivants :
10.1. la durée excessive des procédures judiciaires en Italie (Résolution intérimaire DH(2005)114 du CM), qui en outre rend ineffective la protection d’une large gamme d’autres droits substantiels ;
10.2. des insuffisances majeures concernant l’organisation judiciaire et les procédures en Fédération de Russie, dont les plus importantes sont :
10.2.1. le contrôle juridictionnel défaillant de la détention provisoire, qui provoque la durée excessive de celle-ci et la surpopulation des centres de détention (Résolution intérimaire DH(2003)123 du CM) ;
10.2.2. l’inexécution chronique des décisions judiciaires internes rendues contre l’État (CM/Inf(2006)19) ;
10.2.3. les violations du principe de sécurité juridique du fait d’annulations massives de décisions judiciaires définitives dans le cadre de la procédure de nazdor (Résolution intérimaire DH(2006)1 du CM) ;
10.3. plusieurs problèmes structurels similaires en Ukraine, aggravés par d’importantes atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire (Résolution intérimaire DH(2004)14 du CM).
11. L’Assemblée déplore en outre que des problèmes de mise en œuvre importants, qu’elle-même et le Comité des Ministres ont déjà soulevés maintes fois, n’aient toujours pas été résolus, ce qui fait perdurer la situation de non-respect des arrêts de Strasbourg :
11.1. en Italie et, dans une certaine mesure, en Turquie, la loi ne prévoit toujours pas la réouverture des procédures pénales internes que la Cour a déclarées contraires à la CEDH, et ces deux États n’ont pris aucune autre mesure pour rétablir le droit des requérants à un procès équitable, malgré les demandes pressantes et répétées du Comité des Ministres et de l’Assemblée (nombreuses affaires, dont Dorigo c. Italie et Hulki Güneş c. Turquie) ;
11.2. Aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne la libération des deux requérants, toujours détenus dans la « République moldave de Transnistrie » (affaire Ilascu et autres c. Moldova et Russie ; dernière résolution intérimaire du CM en date : DH(2006)26) ; en l’espèce, la Russie a affirmé n’avoir aucune influence en Transnistrie, assertion qui ne peut être prise au sérieux ;
11.3. la Grèce n’a présenté aucun projet global destiné à résoudre son problème structurel de surpopulation des centres de détention (arrêts Dougoz et Peers, Résolution intérimaire DH(2005)2 du CM), qui vient à nouveau d’être mis en évidence dans un arrêt (Kaja c. Grèce du 27 juillet 2006) ;
11.4. l’Italie n’a rien fait pour résoudre le problème structurel de l’ « expropriation indirecte », pratique abusive des collectivités locales (équivalant en fait à une confiscation illégale) qui porte atteinte aux droits de propriété des requérants au titre de la CEDH ;
11.5. la Roumanie n’a fait état d’aucun progrès récent dans la réforme en cours de la législation sur la sécurité nationale et d’autres textes connexes, engagée à la suite de l’arrêt Rotaru (Résolution intérimaire DH(2005)57 du CM).
12. L’Assemblée répète que, s’il est bien compréhensible que les États concernés rencontrent au départ des difficultés objectives, cela ne les exonère pas de l’obligation de surmonter ces difficultés et de résoudre sans plus tarder les problèmes susmentionnés pour mettre leurs systèmes nationaux en conformité avec la CEDH. Le fait que ces situations de non-respect perdurent compromet l’efficacité du mécanisme de la CEDH et devrait être considérée comme un manquement des États aux obligations qui leur incombent au titre de la Convention et du Statut du Conseil de l'Europe.
13. L’Assemblée accorde une attention particulière à la mise en œuvre, par la Fédération de Russie, la Turquie et le Royaume-Uni, d’arrêts concernant des abus commis par les forces de sécurité et/ou l’absence d’enquête effective sur ces abus. Elle salue les progrès que la Turquie et le Royaume-Uni ont accomplis dans le règlement des problèmes structurels sous-jacents, ainsi que la volonté des autorités russes de faire de même, volonté dont témoigne le premier volet du plan d’action qu’elles ont présenté au Comité des Ministres. L’Assemblée encourage les autorités russes à tirer pleinement parti de l’expérience d’autres États et à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les arrêts concernant l’action des forces de sécurité, notamment leur action en République tchétchène.
14. En outre, l’Assemblée met l’accent sur le fait qu’il incombe toujours à tous les États contre lesquels les arrêts évoqués au paragraphe 13 ont été rendus de remédier aux lacunes précises que la Cour a constatées en matière d’enquêtes internes, afin que les requérants puissent obtenir une réparation effective. Aucun des trois États défendeurs n’est encore parvenu à des résultats concluants en ce qui concerne ce dernier aspect.
15. La question du respect, par la Turquie, des arrêts de la Cour dans différents domaines a fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Assemblée (voir les Résolutions 1297 (2002) et 1381 (2004) et la Recommandation 1576 (2002)) ; de manière générale, les progrès enregistrés à ce jour sont très encourageants. Nombre des problèmes mis en évidence par la Cour ont été résolus, mais le règlement de ceux qui perdurent nécessite des efforts supplémentaires. La Turquie devrait notamment s’employer à mieux prévenir la répétition de violations du droit à la liberté d’expression, car il n’est toujours pas certain que les autorités interprètent les nouvelles dispositions conformément à la CEDH.
16. De plus, la Turquie demeure dans l’obligation de respecter pleinement les arrêts de la Cour relatifs à la question des personnes disparues à Chypre en suspens depuis longtemps, ainsi qu’à une série de violations des droits des Chypriotes grecs enclavés. La question des biens des personnes disparues est également un sujet de préoccupation. L’Assemblée attache une importance particulière aux mesures déjà adoptées ou qui doivent encore être adoptées à la suite des arrêts de la Cour de Strasbourg ; elles devraient en effet apporter une contribution tangible au règlement global de la question chypriote.
17. Il ressort de l’évaluation globale de ce nouvel exercice par l’Assemblée que les cas dans lesquels les États défendeurs tardent à exécuter les arrêts de la Cour ou ne les mettent en œuvre qu’imparfaitement doivent faire l’objet d’une visibilité politique plus grande, à la fois au sein du Conseil de l'Europe et dans les pays concernés. En conséquence, l’Assemblée estime qu’elle devrait rester saisie de cette question afin de garantir un suivi parlementaire régulier et rigoureux de la mise en œuvre des arrêts, aux niveaux européen et national. Les premières initiatives prises en ce sens par certains parlements nationaux sont encourageantes, mais il reste beaucoup à faire.
18. L’une des principales raisons des difficultés d’exécution des décisions de la Cour de Strasbourg est l’absence de procédures et de mécanismes internes effectifs permettant l’application rapide des mesures requises, qui nécessite souvent une action coordonnée de plusieurs autorités nationales. Il n’est pas rare que, dans les États membres, les responsables ignorent les exigences applicables à l’exécution des arrêts établies par le Comité des Ministres, ou ne disposent pas des procédures internes nécessaires à une action concertée efficace.
19. Il faudrait donc modifier les méthodes et procédures du Comité des Ministres et des États membres pour garantir la communication immédiate des informations à tous les responsables nationaux concernés et leur participation au processus d’exécution, si nécessaire, avec l’aide du Conseil de l'Europe.
20. L’Assemblée prend note avec intérêt du fait que, dans le Plan d’action du Sommet de 2005, la Banque de développement du Conseil de l'Europe est invitée à faciliter, par ses moyens d’intervention propres, la mise en œuvre des politiques dans les domaines couverts par la CEDH. L’Assemblée encourage vivement la Banque et les États intéressés à user de cette possibilité lorsque cela peut permettre la mise en œuvre rapide d’arrêts révélant d’importants problèmes structurels.
21. L’Assemblée prend également note avec intérêt de l’instauration récente de la « procédure d’arrêt pilote », procédure devant la Cour destinée à traiter les problèmes structurels. Elle observe cependant avec une certaine inquiétude que cette procédure est appliquée à des problèmes structurels complexes sur la base d’une seule affaire, qui ne met peut-être pas en évidence l’ensemble des aspects du problème en question. Dans ce cas, la procédure pilote peut ne pas permettre une évaluation complète du problème, et, toutes les autres affaires similaires étant « gelées », elle risque de retarder la pleine mise en œuvre de la CEDH au lieu de l’accélérer. L’Assemblée constate aussi que l’efficacité de la procédure pilote ne peut être garantie que si le Comité des Ministres remplit activement sa mission consistant à déterminer si les mesures d’exécution prises par les États défendeurs sont adéquates et suffisantes.
22. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée :
22.1. invite tous les parlements nationaux à instaurer des mécanismes et des procédures destinés à garantir un contrôle parlementaire effectif de l’exécution des arrêts de la Cour, fondé sur des rapports réguliers des ministères compétents ;
22.2. appelle les États membres à créer, par des moyens législatifs ou autres, des mécanismes internes permettant l’exécution rapide des arrêts de la Cour, et à faire en sorte qu’un organe décisionnaire situé au plus haut niveau politique au sein du gouvernement puisse assumer la pleine responsabilité de tous les aspects du processus national de mise en œuvre et puisse coordonner tous ces aspects ;
22.3. décide de vérifier régulièrement si ces mécanismes ont effectivement été instaurés par les États membres, et, dans l’affirmative, s’ils sont efficaces ;
22.4. demande instamment aux gouvernements des treize États concernés de résoudre sans tarder les problèmes de mise en œuvre recensés dans le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme ;
22.5. demande en particulier aux gouvernements de la Grèce, de l’Italie, de la Roumanie, de la Fédération de Russie, de la Turquie, du Royaume-Uni et de l’Ukraine de placer au tout premier rang de leurs priorités politiques le règlement des problèmes d’exécution d’une importance particulière mentionnés dans la présente résolution ;
22.6. invite les délégations parlementaires des États où le rapporteur s’est rendu à présenter à l’Assemblée, par l’intermédiaire de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, dans un délai de six mois, les résultats obtenus en matière de règlement des problèmes structurels mis en évidence dans le rapport, ou des preuves de l’élaboration de plans d’action réalistes prévoyant l’adoption des mesures requises ;
22.7. se réserve le droit d’utiliser les moyens dont elle dispose, notamment ceux qui sont prévus à l’article 8 de son Règlement (c'est-à -dire la contestation des pouvoirs d’une délégation nationale), si l'État concerné persiste à ne pas prendre toutes les mesures requises par un arrêt de la Cour, ou si le parlement national n’exerce pas les pressions nécessaires sur le gouvernement pour que celui-ci se conforme à l’arrêt de la Cour ;
22.8. décide de rester saisie de la question et se réjouit des propositions récentes du Comité des Ministres de renforcer les échanges d’informations avec l’Assemblée et d’associer l’Assemblée à l’élaboration d’une recommandation aux États membres sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour ;
22.9. au vu du besoin impérieux des États membres d’accélérer la mise en oeuvre des arrêts de la Cour et de les respecter pleinement, décide de poursuivre le suivi régulier de la situation et invite sa commission des questions juridiques et des droits de l’Homme à en rapporter à l’Assemblée lorsqu’elle le considèrera approprié.
1 Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2006 (24e séance) (voir Doc.11020, rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. Erik Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre 2006 (24e séance).Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme
Résolution 1516 (2006)1
1. L’Assemblée parlementaire souligne que le respect de la Convention européenne des Droits de l'Homme (ci-après « la CEDH »), qui comprend la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour européenne des Droits de l'Homme (ci-après « la Cour ») et du caractère contraignant de ses arrêts, est la clé de voûte de l’ordre public européen lequel garantit la paix, la démocratie et la bonne gouvernance au sein de la Grande Europe. Il est donc essentiel que l’Assemblée s’intéresse de près aux différents aspects du système de la CEDH, et en particulier à la mise en œuvre effective des arrêts, dont dépend l’autorité de la Cour.
2. L’Assemblée note que l’exécution des arrêts de la Cour est un processus juridique et politique complexe dont le but est de remédier aux violations constatées et d’éviter que ne se produisent des violations nouvelles ou semblables. Cette exécution, sous la surveillance du Comité des Ministres, peut être facilitée par une étroite collaboration entre les institutions nationales et autres, y compris l’Assemblée et les parlements des États membres.
3. Bien que, en vertu de l’article 46 de la CEDH, ce soit le Comité des Ministres qui surveille l’exécution des arrêts, l’Assemblée contribue cependant de plus en plus à la mise en œuvre des décisions de la Cour. Depuis 2000, elle a adopté cinq rapports et résolutions et quatre recommandations spécialement consacrés à l’exécution des arrêts. De plus, elle a régulièrement soulevé des problèmes de mise en œuvre par d’autres moyens, notamment par le biais de questions parlementaires orales et écrites. Plusieurs cas complexes ont pu être réglés avec l’aide de l’Assemblée et des parlements nationaux et de leurs délégations à l’Assemblée.
4. Compte tenu de la décision prise lors du Sommet du Conseil de l'Europe de mai 2005, selon laquelle tous les États membres doivent exécuter plus rapidement et pleinement les arrêts de la Cour et compte tenu de la déclaration du 19 mai 2006 du Comité des Ministres qui indique que l’Assemblée parlementaire sera associée à la rédaction d’une recommandation sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour, l’Assemblée estime qu’il est de son devoir de s’investir davantage encore dans le règlement des principaux problèmes de non-exécution des arrêts de la Cour.
5. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l’Assemblée a maintenant adopté une approche plus proactive et donné la priorité à l’examen de problèmes structurels majeurs concernant des affaires dans lesquelles l’exécution de l’arrêt a pris un retard inacceptable, et ce, pour le moment, dans cinq États membres : l’Italie, la Fédération de Russie, la Turquie, l’Ukraine et le Royaume-Uni. Le rapporteur s’est donc rendu dans ces pays pour examiner avec les autorités nationales les raisons du non-respect des arrêts et souligner la nécessité urgente de trouver des solutions aux problèmes constatés. Une attention particulière a été accordée à l’amélioration des mécanismes internes permettant de favoriser la bonne mise en œuvre des décisions de la Cour.
6. Dans huit autres États membres, à savoir la Bulgarie, la France, l’Allemagne, la Grèce, la Lettonie, la Moldova, la Pologne et la Roumanie, les raisons du non-respect des arrêts et les moyens de régler les questions en suspens ont été examinés par le biais d’échanges de courrier avec leurs délégations nationales à l’Assemblée.
7. L’Assemblée salue le sérieux et la détermination avec lesquels la majorité des treize États membres concernés et leurs délégations parlementaires nationales collaborent avec la commission des questions juridiques et des droits de l'homme. Elle regrette cependant l’insuffisance de réponse de certaines délégations (France, Ukraine) aux demandes d’informations écrites.
8. Il y a notamment trois États membres qui méritent des éloges pour leurs tentatives visant à régler des problèmes de mise en œuvre spécifiques en améliorant les mécanismes internes :
8.1. l’Italie, qui, en adoptant la loi Azzolini en 2006, a créé le fondement juridique d’une procédure spéciale de supervision de l’exécution des arrêts par le gouvernement et le parlement ;
8.2. l’Ukraine, qui, en 2006, s’est dotée d’une loi prévoyant un mécanisme de coordination, placé sous la supervision de l’agent du gouvernement auprès de la Cour et destiné à garantir la bonne mise en œuvre des arrêts ;
8.3. le Royaume-Uni, qui a instauré en mars 2006 une nouvelle pratique de rapports périodiques sur l’exécution des arrêts de Strasbourg, présentés par la Commission mixte sur les droits de l'homme du Parlement britannique.
9. Concernant les problèmes de mise en œuvre précis qu’elle a soulevés, l’Assemblée salue en particulier les progrès décisifs réalisés dans les affaires suivantes :
9.1. Slivenko c. Lettonie, affaire dans laquelle les droits des requérantes à résider de manière permanente en Lettonie ont récemment été rétablis, conformément aux demandes du Comité des Ministres. La Lettonie a donc effacé les effets de l’expulsion des requérantes vers la Russie, mesure que la Cour avait jugée contraire à la CEDH ;
9.2. Broniowski c. Pologne, premier arrêt « pilote » de la Cour, à la suite duquel le Parlement polonais a adopté une nouvelle loi (en vigueur depuis le 7 octobre 2005), qui règle la question des demandes d’indemnisation relatives à des biens situés au-delà de la rivière Boug, conformément aux indications de la Cour et à une Résolution intérimaire du Comité des Ministres (ci-après « CM ») ;
9.3. Doğan c. Turquie, arrêt soulevant lui aussi un important problème structurel : à la suite de cet arrêt, la Turquie a adopté et mis en Å“uvre une nouvelle loi d’indemnisation qui constitue, pour toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays, un recours interne effectif leur permettant d’obtenir réparation pour la destruction de leurs biens (sans préjudice de leur droit au retour).
10. Parallèlement, l’Assemblée est vivement préoccupée par la persistance de déficiences structurelles majeures, qui causent de nombreux constats de violations répétitives de la CEDH et constituent une grave menace pour principe de la primauté du droit dans les pays concernés. Ces sujets de préoccupation sont les suivants :
10.1. la durée excessive des procédures judiciaires en Italie (Résolution intérimaire DH(2005)114 du CM), qui en outre rend ineffective la protection d’une large gamme d’autres droits substantiels ;
10.2. des insuffisances majeures concernant l’organisation judiciaire et les procédures en Fédération de Russie, dont les plus importantes sont :
10.2.1. le contrôle juridictionnel défaillant de la détention provisoire, qui provoque la durée excessive de celle-ci et la surpopulation des centres de détention (Résolution intérimaire DH(2003)123 du CM) ;
10.2.2. l’inexécution chronique des décisions judiciaires internes rendues contre l’État (CM/Inf(2006)19) ;
10.2.3. les violations du principe de sécurité juridique du fait d’annulations massives de décisions judiciaires définitives dans le cadre de la procédure de nazdor (Résolution intérimaire DH(2006)1 du CM) ;
10.3. plusieurs problèmes structurels similaires en Ukraine, aggravés par d’importantes atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire (Résolution intérimaire DH(2004)14 du CM).
11. L’Assemblée déplore en outre que des problèmes de mise en œuvre importants, qu’elle-même et le Comité des Ministres ont déjà soulevés maintes fois, n’aient toujours pas été résolus, ce qui fait perdurer la situation de non-respect des arrêts de Strasbourg :
11.1. en Italie et, dans une certaine mesure, en Turquie, la loi ne prévoit toujours pas la réouverture des procédures pénales internes que la Cour a déclarées contraires à la CEDH, et ces deux États n’ont pris aucune autre mesure pour rétablir le droit des requérants à un procès équitable, malgré les demandes pressantes et répétées du Comité des Ministres et de l’Assemblée (nombreuses affaires, dont Dorigo c. Italie et Hulki Güneş c. Turquie) ;
11.2. Aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne la libération des deux requérants, toujours détenus dans la « République moldave de Transnistrie » (affaire Ilascu et autres c. Moldova et Russie ; dernière résolution intérimaire du CM en date : DH(2006)26) ; en l’espèce, la Russie a affirmé n’avoir aucune influence en Transnistrie, assertion qui ne peut être prise au sérieux ;
11.3. la Grèce n’a présenté aucun projet global destiné à résoudre son problème structurel de surpopulation des centres de détention (arrêts Dougoz et Peers, Résolution intérimaire DH(2005)2 du CM), qui vient à nouveau d’être mis en évidence dans un arrêt (Kaja c. Grèce du 27 juillet 2006) ;
11.4. l’Italie n’a rien fait pour résoudre le problème structurel de l’ « expropriation indirecte », pratique abusive des collectivités locales (équivalant en fait à une confiscation illégale) qui porte atteinte aux droits de propriété des requérants au titre de la CEDH ;
11.5. la Roumanie n’a fait état d’aucun progrès récent dans la réforme en cours de la législation sur la sécurité nationale et d’autres textes connexes, engagée à la suite de l’arrêt Rotaru (Résolution intérimaire DH(2005)57 du CM).
12. L’Assemblée répète que, s’il est bien compréhensible que les États concernés rencontrent au départ des difficultés objectives, cela ne les exonère pas de l’obligation de surmonter ces difficultés et de résoudre sans plus tarder les problèmes susmentionnés pour mettre leurs systèmes nationaux en conformité avec la CEDH. Le fait que ces situations de non-respect perdurent compromet l’efficacité du mécanisme de la CEDH et devrait être considérée comme un manquement des États aux obligations qui leur incombent au titre de la Convention et du Statut du Conseil de l'Europe.
13. L’Assemblée accorde une attention particulière à la mise en œuvre, par la Fédération de Russie, la Turquie et le Royaume-Uni, d’arrêts concernant des abus commis par les forces de sécurité et/ou l’absence d’enquête effective sur ces abus. Elle salue les progrès que la Turquie et le Royaume-Uni ont accomplis dans le règlement des problèmes structurels sous-jacents, ainsi que la volonté des autorités russes de faire de même, volonté dont témoigne le premier volet du plan d’action qu’elles ont présenté au Comité des Ministres. L’Assemblée encourage les autorités russes à tirer pleinement parti de l’expérience d’autres États et à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les arrêts concernant l’action des forces de sécurité, notamment leur action en République tchétchène.
14. En outre, l’Assemblée met l’accent sur le fait qu’il incombe toujours à tous les États contre lesquels les arrêts évoqués au paragraphe 13 ont été rendus de remédier aux lacunes précises que la Cour a constatées en matière d’enquêtes internes, afin que les requérants puissent obtenir une réparation effective. Aucun des trois États défendeurs n’est encore parvenu à des résultats concluants en ce qui concerne ce dernier aspect.
15. La question du respect, par la Turquie, des arrêts de la Cour dans différents domaines a fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Assemblée (voir les Résolutions 1297 (2002) et 1381 (2004) et la Recommandation 1576 (2002)) ; de manière générale, les progrès enregistrés à ce jour sont très encourageants. Nombre des problèmes mis en évidence par la Cour ont été résolus, mais le règlement de ceux qui perdurent nécessite des efforts supplémentaires. La Turquie devrait notamment s’employer à mieux prévenir la répétition de violations du droit à la liberté d’expression, car il n’est toujours pas certain que les autorités interprètent les nouvelles dispositions conformément à la CEDH.
16. De plus, la Turquie demeure dans l’obligation de respecter pleinement les arrêts de la Cour relatifs à la question des personnes disparues à Chypre en suspens depuis longtemps, ainsi qu’à une série de violations des droits des Chypriotes grecs enclavés. La question des biens des personnes disparues est également un sujet de préoccupation. L’Assemblée attache une importance particulière aux mesures déjà adoptées ou qui doivent encore être adoptées à la suite des arrêts de la Cour de Strasbourg ; elles devraient en effet apporter une contribution tangible au règlement global de la question chypriote.
17. Il ressort de l’évaluation globale de ce nouvel exercice par l’Assemblée que les cas dans lesquels les États défendeurs tardent à exécuter les arrêts de la Cour ou ne les mettent en œuvre qu’imparfaitement doivent faire l’objet d’une visibilité politique plus grande, à la fois au sein du Conseil de l'Europe et dans les pays concernés. En conséquence, l’Assemblée estime qu’elle devrait rester saisie de cette question afin de garantir un suivi parlementaire régulier et rigoureux de la mise en œuvre des arrêts, aux niveaux européen et national. Les premières initiatives prises en ce sens par certains parlements nationaux sont encourageantes, mais il reste beaucoup à faire.
18. L’une des principales raisons des difficultés d’exécution des décisions de la Cour de Strasbourg est l’absence de procédures et de mécanismes internes effectifs permettant l’application rapide des mesures requises, qui nécessite souvent une action coordonnée de plusieurs autorités nationales. Il n’est pas rare que, dans les États membres, les responsables ignorent les exigences applicables à l’exécution des arrêts établies par le Comité des Ministres, ou ne disposent pas des procédures internes nécessaires à une action concertée efficace.
19. Il faudrait donc modifier les méthodes et procédures du Comité des Ministres et des États membres pour garantir la communication immédiate des informations à tous les responsables nationaux concernés et leur participation au processus d’exécution, si nécessaire, avec l’aide du Conseil de l'Europe.
20. L’Assemblée prend note avec intérêt du fait que, dans le Plan d’action du Sommet de 2005, la Banque de développement du Conseil de l'Europe est invitée à faciliter, par ses moyens d’intervention propres, la mise en œuvre des politiques dans les domaines couverts par la CEDH. L’Assemblée encourage vivement la Banque et les États intéressés à user de cette possibilité lorsque cela peut permettre la mise en œuvre rapide d’arrêts révélant d’importants problèmes structurels.
21. L’Assemblée prend également note avec intérêt de l’instauration récente de la « procédure d’arrêt pilote », procédure devant la Cour destinée à traiter les problèmes structurels. Elle observe cependant avec une certaine inquiétude que cette procédure est appliquée à des problèmes structurels complexes sur la base d’une seule affaire, qui ne met peut-être pas en évidence l’ensemble des aspects du problème en question. Dans ce cas, la procédure pilote peut ne pas permettre une évaluation complète du problème, et, toutes les autres affaires similaires étant « gelées », elle risque de retarder la pleine mise en œuvre de la CEDH au lieu de l’accélérer. L’Assemblée constate aussi que l’efficacité de la procédure pilote ne peut être garantie que si le Comité des Ministres remplit activement sa mission consistant à déterminer si les mesures d’exécution prises par les États défendeurs sont adéquates et suffisantes.
22. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée :
22.1. invite tous les parlements nationaux à instaurer des mécanismes et des procédures destinés à garantir un contrôle parlementaire effectif de l’exécution des arrêts de la Cour, fondé sur des rapports réguliers des ministères compétents ;
22.2. appelle les États membres à créer, par des moyens législatifs ou autres, des mécanismes internes permettant l’exécution rapide des arrêts de la Cour, et à faire en sorte qu’un organe décisionnaire situé au plus haut niveau politique au sein du gouvernement puisse assumer la pleine responsabilité de tous les aspects du processus national de mise en œuvre et puisse coordonner tous ces aspects ;
22.3. décide de vérifier régulièrement si ces mécanismes ont effectivement été instaurés par les États membres, et, dans l’affirmative, s’ils sont efficaces ;
22.4. demande instamment aux gouvernements des treize États concernés de résoudre sans tarder les problèmes de mise en œuvre recensés dans le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme ;
22.5. demande en particulier aux gouvernements de la Grèce, de l’Italie, de la Roumanie, de la Fédération de Russie, de la Turquie, du Royaume-Uni et de l’Ukraine de placer au tout premier rang de leurs priorités politiques le règlement des problèmes d’exécution d’une importance particulière mentionnés dans la présente résolution ;
22.6. invite les délégations parlementaires des États où le rapporteur s’est rendu à présenter à l’Assemblée, par l’intermédiaire de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, dans un délai de six mois, les résultats obtenus en matière de règlement des problèmes structurels mis en évidence dans le rapport, ou des preuves de l’élaboration de plans d’action réalistes prévoyant l’adoption des mesures requises ;
22.7. se réserve le droit d’utiliser les moyens dont elle dispose, notamment ceux qui sont prévus à l’article 8 de son Règlement (c'est-à -dire la contestation des pouvoirs d’une délégation nationale), si l'État concerné persiste à ne pas prendre toutes les mesures requises par un arrêt de la Cour, ou si le parlement national n’exerce pas les pressions nécessaires sur le gouvernement pour que celui-ci se conforme à l’arrêt de la Cour ;
22.8. décide de rester saisie de la question et se réjouit des propositions récentes du Comité des Ministres de renforcer les échanges d’informations avec l’Assemblée et d’associer l’Assemblée à l’élaboration d’une recommandation aux États membres sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour ;
22.9. au vu du besoin impérieux des États membres d’accélérer la mise en oeuvre des arrêts de la Cour et de les respecter pleinement, décide de poursuivre le suivi régulier de la situation et invite sa commission des questions juridiques et des droits de l’Homme à en rapporter à l’Assemblée lorsqu’elle le considèrera approprié.
1 Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2006 (24e séance) (voir Doc.11020, rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. Erik Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre 2006 (24e séance).